Un chiffre sec, sans fard : moins d’un adulte sur deux, à l’échelle mondiale, possède un compte bancaire ou bénéficie de services financiers traditionnels. Pourtant, les plateformes numériques bousculent la donne : attribuer un microcrédit à des personnes sans compte en banque, voilà qui redessine les frontières d’un secteur autrefois figé.
En Afrique subsaharienne, le paiement mobile fait figure de bouleversement. Plus de la moitié des transactions bancaires s’effectuent désormais via ce canal. Mais la technologie, aussi ingénieuse soit-elle, n’efface pas d’un trait les clivages d’accès. Derrière la façade du progrès, les inégalités demeurent, y compris là où elles semblent avoir été réduites.
L’inclusion financière : de quoi parle-t-on vraiment ?
L’inclusion financière consiste, en réalité, à offrir à chaque individu l’usage de services financiers de base. Ouvrir un compte, déposer son argent, transférer des fonds, contracter une assurance ou accéder à un prêt : autant de gestes du quotidien considérés comme un droit fondamental. Pourtant, près d’1,4 milliard de personnes restent mises à l’écart du système financier formel selon les statistiques récentes sur l’inclusion financière.
Se contenter d’un compte ne suffit pas. L’inclusion bancaire implique qu’on puisse accéder à des produits et services financiers adaptés, sûrs et utilisables partout, quels que soient les moyens ou la localisation. C’est aussi un défi pour les micro-entreprises, trop souvent ignorées par les acteurs historiques de la finance.
Pour mieux cerner ce que recouvre un accès réel à la finance, différents volets entrent en ligne de compte :
- La possibilité de se déplacer en agence ou d’utiliser une application, sans entrave technique ou géographique
- La compréhension des produits proposés, avec des explications limpides, sans jargon inutile
- Des garanties et des mécanismes de protection pour rassurer et accompagner les utilisateurs
Décryptant l’accès, l’usage et la qualité des services bancaires, les grandes institutions mesurent la proportion d’adultes disposant d’un compte, d’une carte ou d’une assurance. Les données d’inclusion financière révèlent des décalages majeurs selon les régions, le genre, la situation sociale. La France affiche l’un des taux d’accès les plus élevés d’Europe, mais la précarité bancaire y gagne du terrain. Face à ce constat, ajuster l’offre et les accompagnements à la diversité des parcours devient un enjeu de premier plan.
Quels sont les enjeux concrets pour les individus et la société ?
L’inclusion financière pour tous va bien au-delà de la simple ouverture d’un compte. Elle ouvre la porte à ses droits, sert de rempart face à la fragilité financière et peut rendre possible une sortie de la précarité. Dans les pays en développement, la privation de services financiers verrouille l’avenir de millions de personnes. Sans compte bancaire, pas de réserve sécurisée, pas de crédit pour initier une activité, pas de filet de protection face au moindre imprévu.
La protection des consommateurs se joue à ce niveau : sans produits réellement utiles, des familles entières glissent vers des solutions douteuses ou s’enfoncent dans l’économie informelle. Les femmes sont parmi les plus impactées : leur accès limité aux services financiers freine leur indépendance et leur participation active à la vie sociale et économique.
Concrètement, lorsque l’inclusion progresse, des effets tangibles apparaissent :
- Exister des outils d’épargne pour faire face aux imprévus et anticiper l’avenir
- Investir dans la santé ou la scolarité de ses proches, sans crainte du lendemain
- Renforcer le secteur financier local et contribuer à la dynamique de l’économie et de l’emploi
Répondre à ces défis participe à l’atteinte des objectifs de développement durable. Un accès facilité aux services financiers réduit les écarts, donne un nouveau souffle à l’économie et renforce le lien social. La fragilité financière n’est pas une fatalité inscrite. C’est le signal que de nouveaux modèles doivent émerger, pour que chacun trouve sa place.
Des exemples inspirants et dispositifs existants pour favoriser l’accès à la finance
Au Kenya, la percée de M-Pesa parle d’elle-même. Grâce à ce service de mobile banking, transférer de l’argent, régler des factures ou épargner est possible sans pousser la porte d’une agence. Cet élan inspire de nombreux pays africains mais aussi des économies émergentes, où la banque classique reste difficile d’accès.
En France, le dynamisme des fintechs bouscule les habitudes. Nickel, à titre d’exemple, permet l’ouverture d’un compte bancaire en quelques minutes chez le buraliste, sans condition de ressources. Ce type d’offre, encouragé par les autorités, élargit le champ des possibles pour ceux que la banque traditionnelle laisse sur le bas-côté.
Voici quelques leviers concrets qui montrent comment l’accès à la finance peut évoluer :
- L’essor du microcrédit donne à de petites entreprises la capacité de s’équiper et de lancer une activité quand la banque classique ferme la porte
- Des programmes d’assistance technique soutiennent les prestataires de services financiers dans leur digitalisation et l’amélioration de leurs offres, pour plus d’inclusivité
La multiplication des stratégies nationales d’inclusion financière joue aussi un rôle central. De nombreux gouvernements travaillent à déployer des dispositifs d’information, à rendre l’accès à des produits financiers vraiment universel. Digitalisation, nouvelles pratiques, réglementation renouvelée : autant de jalons posés sur la route d’une société plus ouverte, où la finance ne demeure pas le privilège de quelques-uns.
Comment chacun peut contribuer à une finance plus inclusive autour de soi
L’inclusion financière ne relève pas exclusivement des grandes décisions ou des institutions. Elle commence à l’échelle de chacun : relayer l’existence de services financiers accessibles à tous, mettre en avant le microcrédit, la micro-assurance ou l’épargne mobile lors de rencontres associatives, d’ateliers ou d’échanges, c’est déjà enclencher une dynamique et dissiper la méfiance qui entoure parfois la banque.
Travailler sur l’éducation financière prend toute son importance, surtout auprès de la jeunesse ou de personnes vulnérables. Maîtriser les bases de l’épargne, du crédit, du paiement digital permet d’éviter les incompréhensions et de se prémunir contre les pièges de l’économie informelle. Accompagner une personne pour ouvrir un compte, l’aider à s’approprier une application de paiement, la guider vers les bons dispositifs : ces gestes affichent une efficacité redoutable pour l’inclusion.
Pour ceux qui souhaitent agir concrètement, plusieurs pistes s’offrent à eux :
- S’investir dans un programme d’inclusion bancaire au sein d’une association ou d’une collectivité locale
- Soutenir le développement du microcrédit pour aider les porteurs de projets ou les micro-entreprises
- Encourager la formation à la littératie financière, en lien avec les partenaires de la finance solidaire ou de proximité
Des ressources existent pour découvrir ses droits et comprendre ses démarches financières. Les associations, quant à elles, prennent le relais et jouent ce rôle d’intermédiaire entre ceux laissés en marge et les acteurs du système financier formel. C’est par ces actions concrètes, discrètes mais décisives, que l’accès à la finance s’élargit. Le chemin à parcourir demeure, mais chaque effort rapproche d’un horizon où la finance ne serait plus synonyme d’exclusion. À chacun, désormais, d’impulser le changement et de donner une voix à ceux qui n’en avaient pas.


