Un chiffre brut, sans fard : chaque année depuis 2018, la taxe sur la valeur ajoutée rapporte plus de 200 milliards d’euros à l’État. Près de la moitié des recettes fiscales nettes provient de cette source unique. L’impôt sur le revenu, souvent perçu comme la pierre angulaire du système, n’arrive qu’à peine à dépasser le quart de ce montant.
La disparition progressive de la taxe d’habitation, combinée à la réduction des impôts de production, a bouleversé la répartition des ressources publiques. Pourtant, le poids global de la fiscalité n’a pas vraiment diminué. Les chiffres du budget 2023 illustrent un basculement constant entre fiscalité directe et indirecte, tandis que les prélèvements sociaux continuent de grimper.
Panorama des recettes fiscales : comment l’État finance ses missions
Chaque débat parlementaire, chaque arbitrage du gouvernement, repose sur une question fondamentale : où trouver les recettes fiscales qui alimentent le budget de l’État ? La DGFiP, véritable moteur de la collecte, assure à elle seule la gestion de près de 38 % de ces recettes grâce à la TVA. Cette taxe, discrètement prélevée à chaque achat, écrase la concurrence : elle pèse bien plus lourd que l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés.
Le projet de loi de finances (PLF), conçu dans les cabinets ministériels, passe par le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil d’État avant d’atterrir au Parlement. Sénateurs et députés disposent de 70 jours pour le décortiquer, proposer des modifications, et le voter. Puis, après la promulgation présidentielle et le contrôle du Conseil constitutionnel, ce texte devient la feuille de route incontournable de la gestion publique.
Pour mieux comprendre cette organisation, voici les différentes composantes du budget de l’État :
- Budget général : il regroupe les principales dépenses et recettes de l’État.
- Budgets annexes : réservés à des secteurs spécifiques, comme l’aviation ou la presse.
- Comptes spéciaux : ils couvrent des opérations exceptionnelles ou des transferts financiers particuliers.
Sous la surveillance de la LOLF et de la LPFP, le ministère de l’économie et des finances doit aussi respecter les règles européennes : un déficit inférieur à 3 % du PIB et une dette inférieure à 60 %. La Sécurité sociale bénéficie de son propre budget (PLFSS), principalement financé par la CSG, collectée par l’Urssaf. Les dépenses publiques couvrent l’ensemble des missions régaliennes, l’éducation, la santé ou la sécurité, réparties dans un budget de 582 milliards d’euros en 2024, reflet d’un modèle social unique et d’arbitrages politiques permanents.
Quels impôts et taxes rapportent le plus au budget national ?
L’architecture fiscale qui alimente le budget national s’appuie sur une hiérarchie précise. Au sommet, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : presque 38 % des recettes collectées par la DGFiP en 2024 proviennent de cet impôt indirect, ponctionné à chaque étape de la consommation. La TVA s’impose ainsi comme la pierre angulaire des recettes fiscales, loin devant les autres prélèvements.
L’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) suivent, mais à distance respectable. L’IR rapporte environ deux fois moins que la TVA, ce qui relativise le rôle de la fiscalité directe dans le financement de l’État. L’IS, fluctuant selon la santé des entreprises, apporte entre 58 et 83 milliards d’euros selon les années.
Quelques autres taxes sectorielles complètent le tableau, comme la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représente près de 4 % du total. À côté, les taxes foncières, la taxe d’habitation (qui disparaît progressivement), ou l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) jouent un rôle d’appoint. La contribution sociale généralisée (CSG), pilier du financement de la Sécurité sociale, suit un circuit budgétaire à part.
On note aussi la progression rapide des droits de succession : en six ans, de 2012 à 2018, ils ont bondi de 60 %. Chaque impôt, chaque taxe, s’inscrit dans cette mécanique d’ensemble, pilotée par la direction générale des finances publiques et orchestrée par le ministère de l’économie et des finances.
Focus sur la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés : chiffres et tendances
La TVA trône en première place des recettes fiscales. En 2023, elle a généré entre 208,4 et 210,7 milliards d’euros, dont 172,8 milliards pour l’État. Les collectivités territoriales et divers organismes n’ont pas été oubliés : 52,1 milliards et 61 milliards d’euros leur sont revenus, respectivement. Résultat : la TVA irrigue tout le secteur public, bien au-delà du budget central.
L’impôt sur le revenu (IR) arrive ensuite. Ce prélèvement direct, dont le montant dépend du niveau de vie et du principe de redistribution, a rapporté entre 88 et 112 milliards d’euros sur la même période. Le débat sur l’équité de cet impôt fait rage, mais les chiffres sont clairs : il pèse environ deux fois moins que la TVA dans les finances publiques. Pourtant, son rôle stratégique dans l’équilibre du financement reste indéniable.
Le troisième pilier, l’impôt sur les sociétés (IS), complète ce trio. En 2023, ses recettes se sont situées entre 58 et 83 milliards d’euros, variant selon la conjoncture économique et la performance des entreprises. Ce prélèvement, souvent sujet à controverse lors des réformes fiscales, demeure sensible aux aléas économiques.
Pour résumer les chiffres-clés, voici ce que pèsent ces trois impôts phares :
- TVA : entre 208 et 211 milliards d’euros (2023)
- Impôt sur le revenu : de 88 à 112 milliards d’euros
- Impôt sur les sociétés : 58 à 83 milliards d’euros
Le dynamisme de ces contributions majeures illustre la plasticité du système fiscal, mais révèle aussi ses tensions. La TVA, omniprésente, prélève sur chaque transaction. L’IR ajuste la redistribution. Quant à l’IS, il sert de thermomètre à la conjoncture et à la rentabilité des entreprises.
Réduction des impôts : quel impact réel sur les finances publiques ?
À intervalles réguliers, les annonces de baisse d’impôts s’invitent dans le débat public, présentées comme des solutions pour renforcer le pouvoir d’achat ou la compétitivité. Mais la réalité budgétaire se révèle plus complexe. En 2023, le déficit public a atteint 5,5 % du PIB, dépassant nettement le seuil européen de 3 %. Dans le même temps, la dette publique s’est hissée à 3 228,4 milliards d’euros, soit 112 % du PIB à la mi-2024.
Ce contexte oblige l’État à faire des choix difficiles. Réduire les recettes fiscales suppose de trouver d’autres leviers : moins d’impôts, c’est automatiquement moins de ressources pour financer les missions de service public. Le projet de loi de finances 2025 le démontre, en intégrant une réduction de 40 milliards d’euros des dépenses publiques. Cela se traduit par des mesures de rationalisation, parfois par des restrictions dans certains secteurs régaliens ou sociaux.
L’équilibre entre allègement de la pression fiscale et exigence de responsabilité budgétaire façonne l’action gouvernementale. Le budget de l’État doit s’inscrire dans le cadre imposé par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la Loi de programmation des finances publiques (LPFP). Réduire un impôt majeur, comme la TVA ou l’impôt sur le revenu, revient à s’interroger sur l’étendue et la qualité des services que la puissance publique pourra encore garantir, dans un environnement marqué par l’endettement et la vigilance européenne.
Au bout du compte, chaque euro collecté ou abandonné redessine le champ d’action de l’État. L’équation fiscale, loin d’être figée, reste le miroir des choix collectifs et des priorités politiques du moment. Demain, qui portera le poids de l’effort ?


