Personne toujours envie faire l’amour : nom scientifique et signification

Il existe des diagnostics qui font plus débat qu’ils n’apportent de réponses. L’hypersexualité, désormais rangée dans la catégorie des troubles du comportement sexuel compulsif par la classification internationale, illustre parfaitement cette tension. Depuis 2018, la CIM-11 de l’OMS la reconnaît officiellement, mais la communauté médicale, elle, reste partagée : addiction ou trouble du contrôle des impulsions ? Derrière ces mots, ce sont des parcours de vie qui se dessinent, souvent marqués par la controverse et l’incompréhension.

Apposer une étiquette savante ne suffit pas à démêler la complexité du phénomène. Selon l’environnement, les conséquences sociales, psychologiques ou médicales prennent des formes bien différentes, et chaque histoire se révèle unique.

Quand le désir sexuel devient envahissant : comprendre l’hypersexualité

Le désir sexuel fait partie intégrante de la vie humaine, mais il arrive qu’il franchisse un seuil, devenant omniprésent, irrépressible. À ce stade, on parle d’hypersexualité, ou plus précisément de « trouble du comportement sexuel compulsif » selon la terminologie officielle en France. L’OMS a inclus cette notion dans la CIM-11, mais, sur le terrain, la question reste vive : s’agit-il d’une addiction ou d’un trouble du contrôle des impulsions ?

Longtemps, les termes nymphomanie chez la femme et satyriasis chez l’homme ont alimenté l’imaginaire collectif, souvent en stigmatisant ou en caricaturant des comportements complexes. Aujourd’hui, l’approche clinique privilégie l’analyse de la souffrance, de la manière dont le comportement sexuel impacte le quotidien, des effets sur la libido et la vie sociale. Ce n’est ni la fréquence, ni l’intensité du désir qui posent question, mais l’incapacité à résister à des pulsions qui dictent l’organisation de la journée.

Voici les principaux signes qui caractérisent ce trouble :

  • Perte de contrôle sur ses actes sexuels
  • Efforts répétés mais infructueux pour limiter ses comportements sexuels
  • Retentissement négatif sur la vie professionnelle, familiale ou sociale

La dépendance au sexe s’ancre dans une dynamique d’impulsivité, avec une quête inlassable de satisfaction immédiate. Certains professionnels parlent de « sexual behaviour disorder », une notion anglo-saxonne qui insiste sur la régularité et la durée du trouble. Les parcours diffèrent : pour les uns, la compulsion se traduit par la multiplication des rencontres ; pour d’autres, c’est la consommation excessive de pornographie ou la répétition de la masturbation qui domine. En France, comme ailleurs, le DSM (manuel de référence américain) n’a pas retenu l’hypersexualité comme trouble distinct, ce qui ajoute à la confusion sur les critères à retenir.

Hypersexualité, addiction sexuelle ou simple libido élevée ? Distinguer les notions

Différencier une libido élevée d’une véritable hypersexualité ou d’une addiction sexuelle demande finesse et attention. Le mot « addiction sexuelle » s’est imposé dans le discours médiatique, popularisé notamment par Patrick Carnes et son Sexual Addiction Screening Test. Pourtant, la reconnaissance médicale de ce concept reste inconstante. Le DSM-5, référence en psychiatrie aux États-Unis, n’a pas validé l’addiction sexuelle comme un trouble spécifique, quand la classification internationale préfère parler de trouble du comportement sexuel compulsif.

Dans les faits, il existe des différences clairement identifiables :

  • Libido élevée : un appétit sexuel fort, pleinement assumé, qui n’altère ni le quotidien ni le bien-être.
  • Hypersexualité : des comportements sexuels répétitifs, une perte de contrôle, une souffrance réelle.
  • Addiction sexuelle : compulsion, obsession, besoins croissants, difficultés majeures dans la vie sociale et psychique.

La frontière est souvent difficile à tracer. Le diagnostic se fonde sur l’analyse du vécu personnel, du contexte, et du rapport au plaisir. D’autres troubles, comme le trouble bipolaire, peuvent coexister et brouiller les pistes. L’addiction à la sexualité interroge : s’agit-il d’une pathologie isolée ou du symptôme d’un mal-être plus profond ?

Quels sont les impacts psychologiques, relationnels et sociaux de l’hypersexualité ?

L’hypersexualité, aussi appelée trouble du comportement sexuel compulsif, entraîne des répercussions qui ne se voient pas toujours au premier regard. Sur le plan psychologique, la personne décrit souvent la présence de pensées obsessionnelles, un sentiment de honte ou de culpabilité qui s’installe, et une confiance en soi qui s’effrite à mesure que les comportements se répètent. L’anxiété s’invite, parfois suivie d’une dépression durable, avec, en toile de fond, une solitude grandissante.

Les conséquences dans la sphère intime sont tout aussi notables. Une déconnexion entre sexualité et intimité s’installe, les relations se distendent, la confiance s’érode. Qu’il s’agisse de rencontres sexuelles fréquentes, de partenaires multiples ou de masturbation compulsive, le lien avec le ou la partenaire vacille, la communication devient difficile, parfois jusqu’à la séparation. L’isolement social suit, renforcé par la peur du jugement et le sentiment d’être incompris.

Les conséquences sociales ne sont pas en reste : dépenses incontrôlées, risques accrus d’infections sexuellement transmissibles, tensions au travail. Le film Shame de Steve McQueen en donne un aperçu poignant : le héros s’enfonce dans la solitude, incapable d’équilibrer désir, plaisir et vie sociale. La masturbation compulsive, la consommation de pornographie et la quête de nouveaux partenaires deviennent des refuges, éloignant toujours plus de la réalité partagée.

Homme relaxe écrivant dans un journal en terrasse de café

Vers une meilleure prise en charge : ressources et pistes de soutien pour les personnes concernées

Reconnaître l’hypersexualité comme un trouble singulier permet d’ouvrir de nouvelles perspectives d’accompagnement. La psychothérapie individuelle reste souvent au cœur du processus : elle aide à comprendre les mécanismes à l’œuvre, à identifier les déclencheurs, à renforcer l’auto-surveillance et à renouer avec soi-même. Certains thérapeutes privilégient l’approche cognitivo-comportementale, d’autres intègrent la pleine conscience ou des exercices de visualisation pour apprendre à apprivoiser les pulsions.

Pour celles et ceux qui se sentent isolés, il existe des collectifs où la parole se libère :

  • psychothérapie individuelle ou en groupe
  • groupes de soutien : DASA France, SAA
  • approche médicamenteuse adaptée
  • exercices de pleine conscience, relaxation, visualisation

Les groupes de soutien, à l’image des dépendants affectifs et sexuels anonymes (DASA France) ou du réseau SAA, offrent des espaces pour échanger sans jugement. On y partage des expériences, on rompt l’isolement, on retrouve une certaine maîtrise de sa sexualité. Les échanges s’inspirent de l’addictologie et du principe des groupes de parole.

Dans certains cas, un traitement médicamenteux peut compléter la démarche, toujours sous contrôle médical. Certains médicaments ciblent l’impulsivité ou des troubles associés comme la dépression ou l’anxiété. D’autres ressources, comme les techniques de relaxation ou les ateliers sur la gestion des émotions, aident à regagner du terrain sur soi-même, pas à pas.

La prise en charge s’ajuste toujours à l’histoire de chaque personne, dans une société qui peine encore à ouvrir le dialogue sur la sexualité. Accepter de regarder en face ce trouble, c’est déjà tracer le début d’un chemin vers un rapport apaisé à soi et aux autres. Reste à savoir qui, demain, osera franchir le pas.

Les plus lus